En 1915, l’amiral Dartige du Fournet a sauvé 4 000 Arméniens du
massacre.
Une stèle le rappelle dans le cimétière de Saint-Chamassy,
que l'on doit au
sculpteur libanais Boghos Agassi.
Avant d’être limogé suite à de graves incidents franco-grecs en 1916,
cet officier de marine lié à l’annexion du Laos à la fin du XIXe
siècle, avait été promu en 1915 commandant en chef des forces alliées
en Méditerranée.
Au large de la pointe nord de la baie d’Antioche, il fut confronté aux
massacres de chrétiens arméniens perpétrés par les Turcs. Dans cette
région du massif montagneux du Djebel Mussa (Mont Moïse), sur l’ancien
royaume de la Petite Arménie, les Ottomans en guerre aux côtés des
Empires centraux, avaient commencé à harceler les Arméniens : corvées,
levée de taxes ou réquisition de bétail.
Réfugiés sur la montagne l’enlèvement de femmes arméniennes et
l’arrivée de colons turcs mirent alors le feu aux poudres : 700
Arméniens armés de fusils de chasse montèrent sur la montagne avec
familles et troupeaux.
Bachi-bouzouks ottomans et fanatiques pillards commencèrent à harceler
les fuyards. Les Arméniens, malgré un dernier accès à la mer, se
retrouvèrent vite cernés côté terre et manquèrent de vivres et de
munitions.
Le 5 septembre 1915, ils réussirent à attirer l’attention d’un bateau
français, le croiseur Guichen, voguant sur la côte nord de la Syrie,
avec un drap blanc marqué d’une croix rouge (symbole de la plaque
à Saint-Chamassy).
Son commandant prit contact avec le jeune chef arménien Pierre
Dimlakian. Des coups de canon furent échangés avec les Turcs, les
télégraphes crépitèrent et le lendemain, la Jeanne d’Arc et le Desaix,
de la même 3e escadre, arrivèrent sur zone.
Le vice-amiral Dartige du Fournet sollicita des instructions auprès de
l’état-major. Sans réponse précise, c’est finalement sous sa
responsabilité que, les 12 et 13 septembre, 4 080 Arméniens furent
embarqués sur « la Foudre », « le D’Estrées », « le Guichen »,
« l’Amiral Charner » et « le Desaix ».
Bloquant les plages contre les Turcs, luttant contre le mauvais temps,
orchestrant un va-et-vient de radeaux vers les bateaux, les marins
français donnèrent le meilleur d’eux-mêmes pour réussir cette
évacuation, direction Port-Saïd, en Egypte.
Là, les Arméniens y furent accueillis en réfugiés avant, pour la
plupart, de se disperser dans leur diaspora, gardant toutefois le nom
de « Mussalertsi » (enfants du Mont Mussa). Leurs 50 000 descendants
sont nombreux aujourd’hui au Liban. Comme dit à Cahors Daniel Arabian,
« sans Dartige, ils n’existeraient pas ».
Bombardements
Comme on le lit aux Archives de la marine sous la plume du
contre-amiral Darrieus, « cette évacuation d’une majorité de femmes,
enfants et vieillards a été possible grâce aux bombardements du
"Desaix" et du "Guichen", qui ont agi sur le moral des troupes
turques. » La marine britannique elle-même a contribué au succès avec
son navire « Anne ».
 Georges Kevorkian, ingénieur naval français d’origine arménienne
estime, dans « La Flotte française au secours des Arméniens », ce Mont
Moïse révélateur des contradictions d’alors de la France : protectrice
des chrétiens d’Orient, elle ne peut agir qu’au coup par coup...
Arméniens en général et « Mussalertsi » en particulier ont remué ciel
et terre pour retrouver la tombe de Dartige du Fournet que, de leur
côté, les historiens Gilles et Brigitte Delluc ont ressuscité dans un
précieux bulletin de la Société historique et archéologique du
Périgord (Shap) de 2007.
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